Adopter une utilisation plus verte du numérique pour protéger la planète
Il vous paraît tellement innocent, ce smartphone qui vous accompagne tout au long de la journée. Et pourtant, si l’on s’intéresse de plus près à sa composition, on découvre une face cachée qui, avouons-le, n’est pas très glorieuse. En véritables pollueurs de l’ombre, nos équipements numériques contribuent largement à épuiser les stocks de ressources naturelles de la Terre. Le monde entier tire aujourd’hui la sonnette d’alarme et compte bien convertir l’humanité au numérique responsable. Il est en effet grand temps de mettre fin à nos achats compulsifs de tablettes, d’ordinateurs et autres smartphones, pour tendre vers une utilisation plus sobre de ces équipements. Et vous, avez-vous l’intention de consommer autrement ? Voyons quels gestes adopter pour devenir consom’acteur.rice du numérique.
La pollution numérique, cet ennemi invisible
L’illusion d’un monde virtuel
La pollution industrielle est visible dans le ciel. Celle aux hydrocarbures peut se voir sur les plages à l’occasion d’une marée noire. La pollution des océans par le plastique est elle aussi bien visible. Mais qu’en est-il de la pollution numérique ? Quel élément factuel peut attirer notre regard et provoquer une remise en question de notre utilisation effrénée des objets électroniques et d’internet ? Malheureusement, il n’existe aucun signe visible pouvant nous interpeller sur le sujet.
Tout est fait, finalement, pour entretenir ce côté très flou de l’univers du numérique par un vocabulaire presque mythique qui ne reflète pas la réalité. Par exemple, on parle de dématérialisation, alors qu’en fait il s’agit d’un monde hyper matérialisé. Mais voilà, personne ne voit les kilomètres de câbles qui gisent au fond des océans !
Côté marketing, les fabricants rivalisent d’imagination pour nous proposer des appareils toujours plus esthétiques et raffinés, présentés dans de somptueux écrins. De cette manière, il nous est plus difficile de faire le parallèle avec le côté obscur de l’objet, c’est-à-dire la manière dont il a été fabriqué, et les quantités astronomiques de ressources naturelles qu’il a fallu sacrifier pour y parvenir.
Le paradoxe du numérique propre
Alors que l’arrivée du tout numérique promettait un monde moins pollué grâce entre autres à l’émergence des visioconférences, à l’utilisation du mail en remplacement du courrier papier, voilà qu’aujourd’hui de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer un monde en réalité très pollueur qui contribue largement aux émissions mondiales de gaz à effet de serre. Par manque d’information, beaucoup d’entre nous ne remettent pas en cause leurs pratiques, alors que paradoxalement nous trions nos déchets ménagers sans rechigner, car ceux-ci, en revanche, sont bien visibles !
Selon une étude de l’Ademe, la pollution numérique génère quasiment 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. En comparaison, le secteur du transport aérien en génère 2,5 %. Pour des raisons d’ordre écologique, certaines personnes renoncent à prendre l’avion, mais pourraient-elles se passer de leur téléphone et de leur ordinateur ?
L’influence néfaste de la fabrication des appareils numériques sur l’environnement
Toujours selon l’Ademe, la fabrication des appareils numériques contribue pour 37 % à l’émission des gaz à effet de serre liée au numérique. En haut du palmarès des équipements les plus nuisibles, on retrouve les terminaux : téléviseurs, ordinateurs, smartphones, box internet, écrans et consoles de jeux.
Pour produire des composants électroniques, il faut extraire des ressources et les transformer. Ces ressources, des métaux pour la plupart, sont dites abiotiques, c’est-à-dire non renouvelables. Observons ces quelques chiffres qui parlent d’eux-mêmes :
- Produire une puce électronique de 2 gr nécessite 32 kg de matière, soit 16 000 fois son poids.
- Pour produire un ordinateur, il faut 22 kg de produits chimiques, additionnés à 240 kg de combustibles et 1,5 tonne d’eau.
- On estime que le chemin parcouru par un smartphone depuis l’extraction de ses matières premières jusqu’à sa distribution représente l’équivalent de 4 tours du monde.
Vous l’aurez compris, plus nous consommons du numérique, plus nous épuisons les ressources de la Terre. Consommer plus signifie aussi malheureusement générer plus de déchets électroniques. En France, la production de déchets liés à l’usage numérique est équivalente à 20 millions de tonnes, soit le poids de 2000 Tour Eiffel.
Cette spirale infernale provoque l’augmentation inexorable des émissions de gaz à effet de serre.
Les conséquences d’une utilisation abusive du numérique sur la planète
Voici quelques autres exemples chiffrés pour mieux illustrer le besoin en ressources du digital :
- Selon une étude de GreenIT, l’empreinte numérique annuelle d’une personne salariée correspond à 800 kg de gaz à effet de serre et 13 910 L d’eau, soit l’équivalent journalier de 29 km en voiture et 7 packs d’eau minérale de 9 L.
- 1 mail envoyé consomme autant d’énergie qu’une ampoule basse consommation allumée pendant 1 heure. Si le mail contient une pièce jointe, la durée passe à 1h30. Le saviez-vous ? 10 à 12 milliards de mails sont échangés chaque heure dans le monde.
- Le tube interplanétaire Gangnam style, vous vous souvenez ? Le visionnage record du clip sur YouTube (2,7 milliards de vues) a induit une demande en électricité équivalente à la consommation annuelle d’une petite centrale électrique.
Les enjeux du numérique responsable
Véritable démarche d’amélioration continue, le numérique responsable entend placer au centre des débats tous les protagonistes, les ménages comme les entreprises. Pour nous tous et toutes, il s’agit de prendre un virage à 180°C, de reléguer nos anciennes habitudes peu responsables pour adopter des pratiques numériques plus vertes pour la planète.
Green IT (Information Technology), ou l’informatique durable
Le Green IT est une démarche d’amélioration continue dont le but est de réduire l’impact environnemental des technologies de l’information et des communications. Elle s’applique aux appareils électroniques, aux centres de données, mais également aux machines industrielles. Au sein de l’entreprise, l’objectif est donc d’adopter une démarche écoresponsable par la mise en place de mesures favorisant les économies d’énergie, l’optimisation du recyclage des déchets, etc.
Il est à noter que le Green IT ne vise pas seulement l’empreinte écologique des services numériques. L’aspect économique et social est également pris en compte.
Comme vous le savez certainement, un nombre important d’enfants contribuent, dès leur tout jeune âge, à la fabrication de nos appareils numériques. Cela est par exemple le cas en République Démocratique du Congo, où, selon Amnesty International, pas moins de 40 000 enfants esclaves travaillent dans des mines illégales pour extraire des métaux, parmi lesquels le tantale, que l’on retrouve dans bon nombre d’appareils électroniques modernes. Ces minerais sont appelés “minerais des conflits », car les milices armées qui dirigent les mines financent leurs actions militaires par la vente de ces métaux.
Sous la pression de la société civile et de différentes ONG, une directive européenne a vu le jour au 1er janvier 2021, imposant aux entreprises utilisatrices de s’assurer que les minerais qu’elles importent ne sont pas issus des minerais de conflits.
IT for green, les outils au service du numérique vert
Dans cette démarche, c’est la technologie qui est mise au service du numérique durable, par une conception responsable des services numériques. Voici quelques exemples, parmi tant d’autres, pour bien comprendre les enjeux :
- Les imprimantes 3D : ces appareils offrent la possibilité de produire des composants dans différents matériaux, comme le plastique, les métaux ou les résines, directement sur leur lieu d’utilisation. L’avantage est donc de pouvoir limiter la production de masse et le stockage, réputés très énergivores.
- La digital workplace : il s’agit de l’évolution du poste de travail traditionnel vers un environnement totalement digital, regroupant à la fois des technologies, des plateformes et des outils numériques mis au service du personnel. L’objectif est que le travail puisse être réalisé de n’importe quel lieu, avec n’importe quel appareil. En effet, permettre une plus grande mobilité et favoriser l’accessibilité figurent parmi les grands enjeux du numérique vert. En encourageant le travail à distance, on limite les déplacements du personnel, ainsi que la surface des locaux de l’entreprise.
Le label numérique responsable
Le 4 juin 2019 a eu lieu le lancement du premier label numérique responsable français pour les organisations publiques et privées. L’objectif de ce label, lancé par l’Institut du Numérique Responsable, est en premier lieu d’interpeller ces organisations sur le rôle majeur qu’elles ont à jouer dans la transition vers un numérique durable. Le rôle du label est de les aider à monter en compétences, et de valoriser leur engagement dans cette démarche. L’objectif final est clair : il s’agit de faire converger transformation numérique et transition écologique. Vincent Courboulay, pilote du label à l’INR, précise en effet que le but n’est pas de réduire les impacts, mais de véritablement entrer dans une démarche de création de valeurs durables et innovantes.
Les bonnes pratiques à adopter pour un usage plus vert du numérique
Acheter durable et uniquement lorsque c’est nécessaire
Saviez-vous que 88 % des Français remplacent leur téléphone portable alors que celui-ci fonctionne encore ? Alors, voici quelques actions à mener pour consommer plus durable :
- Évitez de renouveler trop fréquemment vos équipements : si vous utilisez votre ordinateur 4 ans au lieu de 2 ans, son bilan environnemental s’améliore de 50%. Ainsi, même si le dernier modèle de la marque à la pomme vous fait de l’œil, demandez-vous s’il s’agit d’un achat utile ou futile.
- Dimensionnez votre achat en rapport avec vos besoins. Évitez les modèles surpuissants pour uniquement surfer sur le web.
- Pensez aux appareils reconditionnés. En plus d’être un achat économique, cela évite d’aller piocher dans les ressources non renouvelables de notre belle planète.
- Privilégiez l’achat de produits porteurs de labels environnementaux, parmi lesquels l’Ange Bleu, EPEAT ou TCO. Ces labels garantissent un certain niveau d’exigences, principalement sur les matériaux utilisés, qui doivent être plus respectueux de l’environnement. Ils indiquent également la présence ou non de substances nocives pour la santé. Enfin, ils prennent en compte le taux de recyclage des produits et leur durée de vie.
- Choisissez les appareils les moins gourmands en énergie, et porteurs d’un indice de réparabilité élevé. En effet, depuis le 1er janvier 2021, dans le cadre de la loi anti-gaspillage, les fabricants ont l’obligation de renseigner cet indice, qui est une note sur 10 indiquant le niveau de réparabilité de l’appareil.
- Pour vos achats d’appareils numériques, pensez local ! De nombreux commerces locaux proposent un large choix d’équipements, le conseil en plus ! Vous habitez Lyon ou la région lyonnaise ? Vous trouverez de nombreuses boutiques près de chez vous qui proposent des téléphones reconditionnés par exemple. Soutenir l’économie locale fait partie des prérogatives pour un usage plus vert du numérique.
Offrir une seconde vie à nos équipements électroniques
55 à 113 millions de smartphones sont stockés dans nos placards. Or ceux-ci peuvent contenir des éléments dangereux pour la santé et l’environnement. Les opportunités sont nombreuses aujourd’hui pour se débarrasser de nos appareils et leur offrir une seconde vie :
- Faire un don à des proches ou à des connaissances, et en plus ça fait des heureux !
- Les faire réparer. Suivant l’indice de réparabilité, comme vu plus haut, votre appareil pourra être réparé et repartir pour plusieurs années de service.
- Les revendre sur des sites de vente de particulier à particulier.
- Les faire reprendre en magasin à l’occasion d’un nouvel achat : celui-ci ne peut refuser de vous en débarrasser.
- Remettre son appareil à Ecosystem. Si son état le permet, il sera reconditionné et revendu sur un circuit solidaire. En revanche, s’il est inutilisable, il sera dépollué et recyclé sous forme de nouvelles matières premières (plastiques, métaux, etc.). Sur la Métropole de Lyon comme partout en France, de nombreux points de collecte sont à votre disposition. Comment faire ? C’est par ici : https://www.jedonnemontelephone.fr/
Limiter les consommations électriques des appareils numériques
Même éteint, un appareil numérique consomme de l’énergie. Le mieux est donc d’investir dans une multiprise à interrupteur, de manière à couper totalement la consommation électrique de vos équipements lorsque vous ne vous en servez plus. Rendez-vous chez votre commerçant de proximité, il saura vous conseiller sur les différents modèles. Vous préférez la livraison à domicile ? En passant commande auprès d’une marketplace locale, vous profiterez d’une livraison décarbonée !
Voici quelques actions à privilégier pour économiser l’énergie de nos appareils numériques. Bien sûr, au niveau de chacun d’entre nous, cela peut paraître dérisoire, mais à l’échelle mondiale l’impact est bien réel !
- À la maison, privilégiez le Wifi à la 4G, qui consomme 3 fois plus d’énergie.
- En cas d’absence, coupez l’interrupteur d’alimentation de la box internet.
- Sur les smartphones, fermez ou supprimez les applications inutilisées.
- Activez le mode économie d’énergie sur l’ordinateur, ou le mode avion sur le smartphone, pour en augmenter l’autonomie.
Maîtriser sa consommation de données numériques
La collecte ainsi que le stockage des données nécessitent l’usage de data centers. Pour fonctionner, ceux-ci utilisent énormément de ressources, majoritairement fossiles : d’une part, de l’électricité, et d’autre part de grandes quantités d’eau pour refroidir les serveurs qui fonctionnent en continu. On estime que l’ensemble des data centers représentent 1 % de la consommation électrique mondiale. Voyons quelles sont les solutions pour diminuer l’impact de notre utilisation du numérique :
- Stockez vos données sur une plateforme unique, pour éviter les doublons et donc l’engorgement des data centers.
- Surfez responsable : plutôt qu’une requête, tapez directement le nom du site dans la barre de recherche. Si vous ne le connaissez pas, tapez les mots-clés les plus précis possibles. Pensez à ajouter vos sites préférés dans la barre de favoris, par exemple vos boutiques préférées autour de chez vous, les plateformes de commerces de proximité, de producteurs locaux, etc. Vous trouverez ainsi en un seul clic de quoi satisfaire vos envies de consommation locale. Une excellente alternative à Amazon !
- Limitez les échanges de mails au strict nécessaire, ainsi que les pièces jointes et le nombre de destinataires. Pour le partage de fichier, utilisez les sites de dépôt temporaire comme WeTransfer par exemple.
- Téléchargez les vidéos au lieu de les streamer, et évitez le visionnage en HD. Écouter de la musique est une alternative préférable aux clips vidéos.
- Utilisez les moteurs de recherche écoresponsables, comme Ecosia. La différence ne se fait pas tant au niveau de la consommation énergétique, mais sur la gestion des revenus générés : Ecosia reverse en effet 80 % de ses revenus publicitaires à des associations qui œuvrent pour la reforestation dans de nombreux pays.
Face à la montée en puissance du digital, il semblerait que nous ayons maintenant à choisir entre 2 options pour le futur : continuer avec des œillères, et aller vers le chaos, ou bien tout remettre à plat et utiliser ces formidables outils pour bâtir un monde numérique respectueux de l’environnement. Gageons que l’humanité choisira la raison plutôt que l’obstination. Alors nous aussi on s’y met ? Pensez bien à éteindre correctement votre ordinateur ce soir, parce que les petits ruisseaux font les grandes rivières !
Article rédigé par Cécile Barbier.
Sources :
https://librairie.ademe.fr/cadic/6555/guide-en-route-vers-sobriete-numerique.pdf
https://www.apc-paris.com/actualite/20-eco-gestes-a-adopter-pour-numerique-responsable
https://www.hellocarbo.com/blog/reduire/numerique-responsable-guide-des-bonnes-pratiques-a-adopter/
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