Neva, le manifeste
E-désenchantement en 6 actes

L’idéal faisandé de la société de consommation
Elle promettait le bonheur pour tous, elle a créé la frustration pour la plupart. Elle devait combler nos désirs, elle les a transformés en besoins. Et quand elle criait « Liberté ! », c’était pour mieux nous aliéner.
Pour masquer l’impuissance de la courbe de croissance du PIB à satisfaire notre addiction, on court désormais, à bout de souffle, derrière un oxymore : le « pouvoir d’achat ».
Comme si le droit de vivre décemment était un « pouvoir ».
Comme si notre « pouvoir » sur le cours des choses augmentait avec le volume de nos acquisitions.
Comme si on nous prenait encore et encore pour des imbéciles.
Dans la société de consommation, notre pouvoir est ailleurs !
Nous ne sommes pas des moutons !
Le seul « pouvoir d’achat », c’est le pouvoir de choisir !


Internet : le dévoiement d’une utopie
Les racines hippies de la culture numérique laissaient augurer une toute autre destinée… Il y a cinquante ans, ce qui allait devenir la Silicon Valley était le terrain d’une contre-culture qui visait l’émancipation de l’individu et la pacification des rapports humains.
Cerise sur le gâteau, en 1993, le web allait décentraliser les échanges et rendre planétaire cet idéal de liberté, de démocratie et de progrès !
(Re)plongeons-nous dans le contexte d’alors : dans un monde où voyager hors de nos frontières était alors un luxe très peu partagé, nous allions pouvoir communiquer, échanger des informations et approfondir des connaissances avec des inconnus de l’autre bout de la Terre, et ce autant de fois que notre curiosité ou notre soif de partage nous inviteraient à le faire ! Quelle incroyable révolution !
Et puis… patatras… l’utopie d’un infini terrain de partage et de créativité allait se muer en espace de reproductions, vite contrôlé par une poignée de génies qui préféreront mettre leur talent au service de leur propre intérêt.
Alors même qu’il paraissait être un terrain des plus fertiles pour démultiplier les fulgurances créatrices, l’Internet symbolise l’acmé de « l’industrie culturelle », cet espace de calcul et de reproduction où la raison « renonce au sens. » 1 (Adorno et Horkheimer, 1947)
1 Adorno TW. & Horkheimer M. (1947), La dialectique de la raison, Gallimard
L’économie collaborative détournée par l’économie de marché
Nous nous sommes habitués à ce que l’intermédiaire de l’échange économique entre deux acteurs capte l’essentiel de la plus-value générée. Le service rendu par l’hypermarché est ainsi plus récompensé financièrement que le travail du producteur. Quant à l’avantage accordé au consommateur par les géants de la grande distribution, il est systématiquement intéressé.
Mais cette incohérence est encore plus inacceptable dans les pratiques sociales collaboratives ! Comment un outil de facilitation d’échanges entre acteurs peut être considéré comme plus important que les acteurs eux-mêmes ? Comment des plateformes peuvent gagner des milliards sur le dos de ceux qui partagent leur propre voiture, louent leur appartement ou passent des heures sur leur vélo sous la pluie ?
Il est temps que les véritables acteurs de l’échange économique soient les principaux bénéficiaires.
La communauté n’est pas un outil marketing !
L’intelligence collective ne peut plus servir l’intérêt individuel !
L’économie du partage ne doit plus nourrir les vautours !


La fin de la vie privée
Votre cerveau est relié à un dispositif portatif qui enregistre chacune de vos pensées.
Avant de regagner votre appartement, vous déposez l’objet magique chez votre voisin du 4ème. Il vous en confie un autre, exactement similaire, pour les prochaines 24 heures.
Chaque jour, l’opération se répète.
Il est sympa, votre voisin. Une fois, il vous a laissé regarder des matchs de foot gratuitement pendant un mois. Est-ce pour cela que vous lui obéissez sans rien demander en retour ? En tout cas, il a un magnifique triplex. Il paraît qu’il bosse dans le digital. A moins que ce ne soit dans le marketing, la pub, l’informatique, le commerce, le cinéma, le sport…
A vrai dire, personne ne sait trop ce qu’il fait.
Une telle histoire vous paraît insupportable, démoniaque, absurde ?
Sur Internet, c’est pourtant notre quotidien. En pire. Pire car lorsque nous surfons, non seulement des inconnus récupèrent et utilisent nos données, mais ensuite ils les revendent à d’autres inconnus, qui eux-mêmes n’auront aucun scrupule à les céder au plus offrant, et ainsi de suite.
Si c’est gratuit c’est nous le produit !
Comment accepter plus longtemps que notre vie privée soit captée, enregistrée, scrutée, étudiée, cédée, marchandée, monétisée ?
Refusons le Digital Labor. Fuyons ces prédateurs qui s’enrichissent sur notre dos à chacun de nos clics !
Fable (sans morale) de la licorne et du tyrannosaure
Les « licornes », ces entreprises valorisées à plus d’1 milliard de dollars, sont les étendards de la Start up nation rêvée par Emmanuel Macron.
A chaque fois qu’une de ces start-ups passe le cap du milliard, le plus haut représentant de l’État se fend d’un message de félicitations. Sur Linkedin, les pouces bleus sont brandis par tous ceux qui rêvent, eux aussi, de prospérer au pays des fées en Louboutins.
Malgré leur corne fantasmée, les licornes ne sont pourtant d’abondance que pour les actionnaires et les investisseurs auprès desquels, selon l’expression consacrée, elles « lèvent des millions ».
Le nombre d’emplois créés par ces structures est aussi infinitésimal que leur prix de vente estimé est délirant : seulement 600 salariés œuvrent pour permettre à la plus grosse licorne française de “valoir” 6 milliards de dollars…
Après 40 ans de labeur, combien votre boulanger vendra-t-il son magasin qui embauche trois salariés ? 50, 60 000 Euros ? Faisons le ratio de son utilité pour la société par rapport à ses gains, puis demandons-nous, ce qui, finalement a le plus de « valeur ».
Mais il y a pire encore qu’un poney unicorne déconnecté de la réalité.
Il y a les tyrannosaures, ces plateformes qui écrasent tout sur leur passage : le droit fiscal, le droit du travail, nos vies privées ou encore notre planète.
Ils sont tellement énormes que personne ne semble pouvoir les stopper. Les faire tomber réduirait en poussière des millions de destinées sur l’ensemble du globe.
Et quand ils auront achevé leur volonté destructrice, vous savez quoi ? Ils ont prévu de coloniser l’espace.
Ils osent tout, c’est d’ailleurs à ça qu’on les reconnait.
Ils sont l’apogée des 70 ans de dévoiement que nous venons de faire défiler.
Ils sont ceux contre qui nous nous levons aujourd’hui.

La solution est à portée de (nos) main(s)

Une marketplace, c’est facile à faire et à utiliser
La bonne nouvelle, c’est que les moyens de lutter ne manquent pas. Et la très bonne nouvelle, c’est que nombre de ces moyens sont offerts sur un plateau par les plateformes numériques prédatrices elles-mêmes.
Ils ont phagocyté des aspirations au mieux-être, ils ont dévoyé des utopies, ils ont détérioré des idéaux, mais voici venue le coup d’envoi de la deuxième mi-temps.
C’est notre tour désormais de récupérer leurs apports technologiques au profit du Bien commun ! Utilisons leur travail pour courir vers les Transitions !
Les planètes sont alignées pour gagner le combat
• La Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) est une formidable invention :
Elle matérialise l’intérêt partagé du territoire en encadrant démocratiquement une économie faite par et pour ses parties prenantes.
• Les collectivités ont pris conscience des enjeux de soutenir un e-commerce plus éthique :
Nos élus doivent protéger nos emplois, conserver les recettes fiscales et décarboner notre territoire.
• Les récents événements nous montrent le poids de nos choix de consommation :
Nous savons qu’il faut mieux produire, mieux vendre et mieux acheter
• L’Open source permet de dupliquer notre modèle résilient partout :
Comme Richard Stallman, nous affirmons que « l’idée de posséder l’information est nocive »


Agir vite et bien, c’est possible !
Tout va vite, très vite, et c’est paradoxalement dans ce trait de l’époque actuelle que réside l’espoir. Aujourd’hui, le monde peut changer du tout au tout, les mentalités basculer en un éclair.
Soyons cet éclair.
Redonner du sens au(x) mot(s) “Valeur(s)”
Pour transformer notre économie, nos atouts existent, nobles, puissants et porteurs d’avenir :
• À l’individualisme de l’ultralibéralisme, répondons Bien commun et Partage des profits !
• Face aux barbares de la disruption, croyons en la Co-construction !
• Au global pour certains, préférons le Local pour Tous !
• À la prédation dissimulée de nos vies privées, choisissons la Transparence !
• À l’isolement d’un numérique sans âme, optons pour le Lien social !
• Aux diktats d’une information parcellaire et orientée, revendiquons la Pédagogie !
• À l’aliénation consumériste, opposons le véritable Pouvoir de la consommation

Personne n’est parfait : aidons-nous à progresser
Les initiatives dites « éthiques » échappent rarement à l’entre-soi et à la moralisation. Ne tombons pas dans ce piège : la responsabilité ne s’impose pas à coups d’injonctions culpabilisatrices.
Lorsqu’elles sont édictées sans se soucier du point de départ de l’autre, de tous les autres, les valeurs ne sont que postulats et jugements, et leur crieur guère plus qu’un vain donneur de leçons.
Le germe de la responsabilité collective ne peut naître que de la prise de conscience individuelle, qui elle-même ne peut grandir, puis mûrir que dans un environnement irrigué d’ouverture, d’accompagnement, de compréhension et d’échanges.
On ne change pas le monde avec ceux qui nous ressemblent.
« Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une Vie sur Terre. » – Jonas H. (1979), Le Principe responsabilité
Le jour où cette phrase de Hans Jonas guidera nos actes individuels, alors nous aurons gagné, collectivement.
Alors nous pourrons dire que nous partageons un principe, un seul, celui de notre accomplissement : le principe de responsabilité face à notre avenir commun.
En attendant, rejoins-nous !
Suis-nous sur les réseaux sociaux :
Charge à nous toutes et tous de faire grandir Neva et de créer des emplois salariés en phase avec nos convictions !